Sabrina Belemkasser

« Mal dans sa peau », « à fleur de peau », « sauver sa peau », « écorché vif »… Tant d’images autour de la peau, utilisées dans la vie quotidienne, pour qualifier un état d’âme, une souffrance psychique. Si ces expressions sont aussi efficaces et parlantes c’est qu’elles témoignent du dialogue constant entre peau et psychisme. 

Pourquoi une cicatrice sur la peau, si petite soit-elle, peut-elle susciter un effondrement psychique durable du sujet ? Pourquoi, chez certaines personnes, des situations de séparation ou de deuil peuvent être le terreau d’une décompensation d’une maladie de peau ou d’une brûlure accidentelle ? Pourquoi un patient brûlé paraît moins en détresse à partir du moment où il est greffé ? Pourquoi un patient souffrant d’une épidermolyse bulleuse ne parvient plus à contenir ses affects lorsqu’il est au paroxysme de sa maladie et que toute sa peau se décolle ? Ces questions trouvent toutes un début de réponse dans la symbiose constante, depuis la vie intra-utérine, entre la peau et le psychisme. Cette unité donne lieu à de forts effets de réciprocités pouvant pousser l’Homme à la vie, ou au contraire, le plonger dans les méandres de la douleur somato-psychique. 

Ainsi, le psychisme a lui aussi une peau dont les fonctions s’appuient sur celles de la peau somatique. Ce « Moi-Peau » protège le psychisme des angoisses dévastatrices par sa fonction de contenance, elle permet et régule le lien à l’autre, soutient l’excitation sexuelle, représente une surface d’inscription des souvenirs… Dans la même idée, la peau somatique peut ouvrir une fenêtre sur une souffrance psychique insoupçonnée, inconsciente. La plainte autour de la peau, et la demande de sa prise en charge chirurgicale, peut être ainsi le véritable révélateur d’un tourment plus profond, qui ne se situe plus seulement en surface de la peau, mais bien au fin fond de l’âme. Cette notion du «Corps-Ecran » montre bien que la peau est à la croisée du monde somatique et du monde psychique. Si fine soit-elle, elle porte l’identité toute entière du sujet. 

L’espoir porté par Skin For All est donc également celui de protéger ce qu’abrite la peau, le psychisme. 

Sabrina Belemkasser 

Psychologue

Hôpital Saint-Louis

Assistance Publique de Paris